Adieu terre de mon enfance
Le départ définif de cette Afrique du Nord
19 juin 1962, Il me faut laisser tous mes rêves de jeunesse, partir loin de cette Terre qui est ma joie de vivre. Sur le bateau qui doit m’emmener, un étrange sentiment m’envahit. Je regarde les quais d’Alger pour la dernière fois. Intérieurement, je ne supporte pas de dire adieu à plus de dix-neuf années de ma vie, et je comprends enfin ce que veulent dire désespoir et impuissance. Des voisins européens sont venus nous saluer, mais ils savent bien qu’ils vont, eux aussi, devoir tout quitter. Je pense à ceux qui se sont fondus en Terre d’Afrique parce que le temps a séché leur peau. Pourront-ils nous pardonner de les avoir abandonnés ? Nos vieux, le regard triste, mais sans larme, ont décidé de laisser leur esprit et leur âme sur le continent africain, ils partent pour les enfants, mais ils savent que la vraie vie se termine ici, sur les quais de la douleur. La sirène retentit, le bateau s’ébranle ! Adieu, Alger la blanche, ma ville d’espérance, adieu pays tant aimé, terre d’une certaine souffrance, adieu ma mère, Terre de mon enfance. Je m’en vais pour toujours, entends-tu mon cœur gémir ? Comment pourrais-je retrouver cette jouissance de la vie que tu as su si bien me donner ? Mes mains se crispent sur la rambarde, mon regard scrute le Ruisseau qui devient un point, au loin, puis plus rien. Je les imagine tous, Brahim, Toufik, Lila, Chafika, Fafa, et les autres tous, commençant à réaliser, après l’hémorragie des cités, le vide laissé par les voix des amis, qui se sont éteintes, les appartements nettoyés comme un sou neuf avant le grand départ, la clé laissée chez le voisin musulman, en recommandant de bien prendre soin du mobilier si durement gagné. Vous nous regretterez, mes amis, vous nous réclamerez le soir, lorsque les témoins seront absents, vous comprendrez trop tard que l’Algérie ne pourra plus être votre pays... (Extrait du récit "La force d'y croire")
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